Les 700 merveilles du monde – le festival de la Mama Negra

En revenant de nos 3 jours de périples dans les montagnes au sein du parc national du Cotopaxi nous avions prévu de refaire une petite étape à Latacunga pour se reposer.

Nous sommes partis le 15 septembre 2018 pour un voyage d’un an et demi en Amérique du Sud, Océanie et Asie du Sud Est ! Voici notre récit en Équateur. Pour lire le début des aventures, c’est ici.

Quelle ne fut pas notre surprise en arrivant à proximité de la ville de découvrir que tous les accès étaient fermés et que des centaines de personnes se pressaient dans les bus pour accéder en centre-ville. En effet nous sommes tombés pile lors de la fête la plus importante de la ville, célèbre dans tout l’Équateur, la fête de la Mama Negra !

La Mama Negra célèbre le fait que la vierge Marie aurait épargnée la ville d’une éruption du volcan Cotopaxi tout proche en 1742. Basée sur des célébrations précolombiennes, elle s’est vu apposée un couche de folklore religieux hispanique, pour devenir aux temps modernes une manifestation du folklore local : vivant et coloré (voire kitsch !), fortement teinté de symbolismes catholiques et ayant pour base les anciennes croyances païennes et polythéistes (que l’on retrouve dans la multiplicité des personnages ayant chacun leur rôle très codifié).

Le défilé se présente globalement comme une succession de groupes de danseurs en habits traditionnels, chacun représentant un quartier, un village, une entreprise ou un généreux donateur. Ils sont accompagnés de fanfares qui semblent étonnamment toujours jouer des variations autour du même air (très entraînant cela dit).

Tout cela semble très codifié, néanmoins les groupes et les danses s’enchainent et laissent découvrir à chaque fois de nouvelle choses, et on se laisse vite entrainer dans la liesse générale. Le fait que les groupes jettent des bonbons et autres sucreries à la foule par poignée ajoute encore à l’effervescence.

La population semble très fière de ses costumes et danses traditionnelles, et si des touches de modernité montrent que ces traditions sont encore vivantes (les costumes teintés de fluo sont légions), on sent une volonté de maintenir ce patrimoine face à une occidentalisation de la société.

L’armée est aussi de la partie et ressort ses costumes d’apparat

Autours de ces groupes viennent s’égrener de multiples personnages différents, chacun jouant un rôle symbolique. Les plus marquants sont les « Huacos », ces genres d’Arlequins longent par paire la foule massée le long du cortège et attrapent des personnes pour les bénir et les purifier en les fouettant avec des branches et en les aspergeant d’une liqueur.

Ils récitent dans leur litanie le nom des volcans majeurs alentours : Cotopaxi, Chimborazo, Tungurahua, Pasochoa… qui sont les forces sacrées de la nature respectée.

Cette femme se fait purifier et bénir par les Huacos

Les plus étonnants sont ces dizaines d’hommes déguisés en femmes, qui jouent avec la foule en prenant des poses lascives ou en soulevant leurs jupons. Ces « Camisonas » représentent des femmes de soldats (qui s’amusent et aguichent quand leur mari part à la guerre), et symbolisent une certaine libération de l’image de la femme face à son rôle traditionnel de garante du foyer et de la famille.

Au sein du cortège ils sont chargés de… la sécurité et la gestion de la foule ! En effets ils guident le cortège et les autres personnages et écartent les passants quand ils débordent sur la chaussée… enfin quand ils ne sont pas eux-mêmes titubants ivres mort au milieu du cortège…

Le plus impressionnants sont les « Ashangeros », des hommes puissants portant sur leurs dos des espaliers chargées de victuailles qui seront distribuées à la foule et aux membres du défilé. Les charges sur le dos de ces hommes sont complètement démesurées, portant au moins un cochon entier, plusieurs poulets, des salaisons, des bouteilles d’alcool, des fruits et diverses ornementations, tout cela fiché sur des piques en bois ou en métal, la charge représente à vue de nez 80 à 120kg à porter à dos d’homme !!!

Nous les voyons passer grimaçant de douleur et titubant sous l’énorme effort, encadrés par des dizaines de comparses leurs épongeant le front et leur servant des grandes rasades de rhum pour les motiver. Certains ont une véritable souffrance marquée sur le visage en passant devant nous, et on se demande ce que ces hommes ont à prouver ou à se faire pardonner pour s’imposer cela.

L’apothéose du défilé est le passage de la Mama Negra elle-même. Cet homme maquillé de noir, paré d’une robe éblouissante et défilant tout sourire juché sur le dos d’un cheval est le clou du spectacle, le symbole vivant de la vierge Marie qui a sauvé la ville de l’éruption du volcan. La foule, passablement échauffée par l’ambiance… et les litres d’alcool ingurgités, est en délire quand elle passe, hurlants à plein poumons « viva Latacunga ! ».

Car oui au final le défilé de la Mama Negra c’est surtout cela, une liesse populaire ou tout le monde peut affirmer haut et fort son amour de sa ville, se ses traditions, de ses racines, tout en se jouant des convenances et en retournant les codes d’une société très hiérarchisée, un véritable Carnaval au sens propre.

C’est aussi une journée ou l’alcool coule à flot, que dis-je à torrents ! Hommes et femmes se remplissent des pintes entières de whisky pur, et des gourdes de liqueurs sont passées à tour de bras par les participants du défilé.

Demain j’arrête l’alcool !

Ce n’est aussi pas le bon jour pour entamer un régime !

Après 5 heures de défilé, quand l’après-midi tire vers sa fin, on sent dans les rues un certain relent de lendemain de cuite… Nous nous attendions à une soirée animée mais les habitants ont tout donné dans cette après-midi de liesse et elle sera au final très calme. Quant au lendemain ce sera carrément une ville morte que nous découvrirons en allant faire quelques courses, nous entendons presque les migraines des habitants au travers des murs !

Le festival de la Mama Negra est en tout cas une fête incroyable, qui mêle la préservation d’un riche patrimoine culturelle à une véritable liesse populaire qui abolit l’espace d’une journée les barrières sociales. Une expérience fantastique à vivre !

Le Cotopaxi veille sur la ville endormie

A bientôt pour de nouvelles merveilles !

 

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8 réponses sur “Les 700 merveilles du monde – le festival de la Mama Negra”

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