Les 700 merveilles du monde – Le mystère de l’île de Pâques

L’île de Pâques est un véritable mystère, certainement l’un des plus grands de notre planète, et l’élucider nous donnera peut-être la clé de notre futur en tant qu’espèce.

Cet article sera donc un peu long, mais c’est un lieu unique et exceptionnel à plus d’un titre, et d’une importance capitale.

Alors non, je ne parle pas du mystère des statues, car la fabrication et l’érection des statues est loin d’être un sujet mystérieux quand on se penche un peu dessus. Je ferais très bientôt un article spécifique sur les moaï car c’est un très beau sujet, mais ici on va parler d’autre chose.

Le réel mystère de l’île de Pâques est beaucoup plus important et glaçant : pourquoi des hommes vivant sur un bout de caillou que l’on peut intégralement embrasser d’un seul regard ont exploité leur environnement jusqu’à le détruire intégralement et provoquer l’effondrement de leur société ?

On va revenir un peu sur l’histoire de cette ile, notamment sur certains points qui sont encore aujourd’hui controversés ou passés sous silence par les descendants des aborigènes, ce qui se comprend aisément au vu de la difficulté de leur faire face.

La découverte de l’île

L’île a été colonisée par les polynésiens aux alentours de l’an 900 (cette date reste discutée), arrivés sur leurs immenses navires bravant l’océan. Elle fut la dernière île du Pacifique à être découverte du fait de son éloignement (si l’on excepte la Nouvelle-Zélande qui était complétement en dehors des routes de vents et de courants marins et donc très difficile à découvrir malgré sa taille).

Ce genre d’immenses bateaux pouvait emmener des familles entières sur des milliers de kilomètres à travers le pacifique, en quête de nouvelles terres fertiles

Là où les autres îles du Pacifique connurent plusieurs vagues de migration et des échanges constants, les courants marins et l’éloignement de la nouvellement nommée Haumaka (Rapa nui est un nom plus récent venant de Polynésie Française) empêcha tout autre contact avec les peuples Polynésiens. Les premiers explorateurs deviendront les Matamuas, et resteront seuls pendant 800 ans sur ce rocher perdu au milieu de l’océan infini, au point d’oublier l’existence d’autres peuples et de leurs origines.

L’aire de peuplement Polynésien, avec la petite Haumaka/Rapa Nui/Ile de Pâques tout au bout à droite

La seule plage naturelle de l’île, ou les explorateurs polynésiens ont foulé le sol de l’île pour la première fois

Là où aujourd’hui nous ne voyons qu’une île recouverte de prairie, les explorateurs Polynésiens ont découvert une île intégralement recouverte de forêt vierge ! Plusieurs dizaines d’espèces d’arbres endémiques poussaient là, dont le plus gros palmier du monde, qui pouvait faire jusqu’à 30 mètres de haut et 2 mètres de diamètre !!! Il y avait aussi plus de 20 espèces d’oiseaux terrestres endémiques se partageant ce minuscule territoire avec les oiseaux marins qui y voyaient une halte salutaire.

Au moins 25 types de graines et de pollens d’arbres disparus ont été retrouvés par les archéologues, indiquant qu’une végétations luxuriante poussait autrefois sur l’île

Haumaka était le foyer du plus grand palmier du monde, un monstre qui pouvait atteindre 30m de haut !!! Les Matamuas avaient même un symbole pour lui dans leurs gravures

Toutes les forêts que l’on voit aujourd’hui sur l’île sont des plantations récentes, notamment des eucalyptus qui consomment énormément d’eau et peuvent empoisonner les sols

Néanmoins ce territoire avait aussi des différences fondamentales avec les autres îles polynésiennes. Là où beaucoup d’îles de la Polynésie Française sont de petits paradis tropicaux recouvert de sols épais et fertiles, et disposant souvent d’un lagon, Haumaka est une espèce d’éponge volcanique poreuse disposant d’un climat beaucoup plus froid. Aucune rivière ne coule sur l’île car l’eau de pluie disparait dans les anfractuosités du sol en emportant le fragile sol au passage.

La seule mare que nous ayons croisée en 3 jours d’exploration de l’île en plein automne

Le seul « lac » référencé de l’île… Si si ! Sous les roseaux on trouve un marécage qui est la plus grande réserve d’eau douce de toute l’île

Les côtes de l’île sont un cauchemar de roches coupantes battues par les énormes vagues du pacifique et une unique plage permet la mise à l’eau de bateaux de pêche. Encore faut-il pouvoir pêcher les espèces de haute mer, car aucun lagon n’offre sa multitude de coquillages et de poissons multicolores.

La roche volcanique constituant la majorité de l’île

Là où sur Tahiti un cocotier pousse en quelques années et où il suffit de jeter vaguement les restes de son plat de patate douce pour en avoir un champ l’année suivante, sur Haumaka les arbres poussent en plusieurs décennies, et exploiter un champ nécessite de composer avec le climat froid, l’érosion des sols, le manque d’eau, le soleil qui brule les pousse et le vent… Cela fait beaucoup de problèmes !

Les jolis cocotiers qui poussent sur la plage de l’île ont été plantés à l’ère moderne à grand renfort d’engrais, pour donner son coté « paradis tropical » à l’île. Les polynésiens n’ont jamais réussi a en faire pousser sur l’île

♦ Dompter Haumaka

Pour survivre les Matamuas ont donc dû développer un ensemble de technique d’agriculture complexe : l’île a dû être déboisée massivement (souvent en brûlant les arbres) pour laisser apparaitre une maigre couche de terre peu productive.

En quelques centaines d’année l’île s’est transformée en immenses pâturages

Pour que les plants de patate douce et de taro (un tubercule à la base de l’alimentation polynésienne) survivent, ils devaient être protégés du soleil et du vent par des pierres. Les Matamuas ont donc déplacés des milliers et des milliers de pierres pour couvrir chaque plant (et ainsi protéger les pousses du soleil tout en conservant l’humidité et en empêchant que la terre soit emportée par le vent), et on carrément été jusqu’à créer des puits de pierre énormes pour protéger les plantes les plus précieuses !

Les terrains autour des villages portent encore la trace de ces « jardins de pierre »

Peut-on seulement imaginer le travail de fourmis qu’a été la création de ces champs ou chaque pousse était protégée par des pierres !

Les archéologues ont reconstitué cette maison Haumaka et les puits de pierre protégeant les plantes les plus précieuses

Puits de pierre dont on retrouve les traces près de tous les anciens villages 

Les polynésiens ont aussi amenés sur leurs bateaux les espèces les accompagnant depuis leurs premières migrations : chiens, poulets et rats (les porcs n’ont pas survécus au voyage). Le poulet est donc devenu la seule source de protéine pour les insulaires et a pris une importance considérable, au point que les Matamuas leurs ont construit des poulaillers en pierre plus solides et imposants que leurs propres maisons ! L’île est d’ailleurs totalement recouverte de ces poulaillers de forme oblongue. Là encore il faut imaginer les milliers de tonnes de pierre qui ont dû être déplacées et taillées pour construire tout cela !

Chaque foyer Matamua faisait face à son énorme poulailler (à droite)

Les maisons en chaume ont disparu, mais les poulaillers restent intacts, parsemant l’île de leur silhouettes de mausolées

Le poulet reste encore aujourd’hui une des principales denrées de l’île

Les quelques moaï de l’île ne sont au final que bien peu de chose face à cet immense travail agricole pour simplement subvenir aux besoins de la population grandissante.

Cet énorme travail a néanmoins porté ses fruits, puisque les Matamuas ont commencé à dégager des excédents alimentaires et à pouvoir constituer des stocks. C’était une chose inouïe pour un peuple polynésien, car sur une ile comme Tahiti quand on veut manger une coco, on va cueillir une coco ! Aucune raison de constituer un stock. Les Matamuas sont donc tout simplement découvert la notion de propriété privée ! Et qui dit excédent alimentaire dit capacité à nourrir une part de population faisant autre chose que de la production de nourriture : artisans, artistes, clergé et noblesse. Et à partir du moment où apparaissent des chefs oisifs nourris par une majorité, les vrais problèmes commencent !

L’âge des moaï

Sur les autres îles polynésiennes, où la propriété privée n’était qu’un concept très relatif, il n’y avait pas lieu de devoir s’encombrer d’une caste de dirigeant pour gérer les ressources des communautés. Les  chefs n’avaient pour beaucoup qu’un rôle symbolique et servaient plutôt de sage et de juge en cas de litiges. Ils n’avaient donc aucunement le pouvoir de dire à leurs sujets « ça vous dirais de passer 1 mois à construire une effigie de moi en pierre de 10 tonnes ? », on leurs aurait vite rit au nez !

Mais sur l’île de Pâques le système complexe d’agriculture nécessaire à la survie a fait que toute une société très hiérarchisée émergea. Sont donc apparus notamment des artistes et artisans, ainsi que des nobles (dirigeant les opérations agricoles) et un clergé.

Les différents pukaos (chapeaux de tuf rouge) de l’ahu Nau Nau représentent peut être différents rôles dans cette société hiérarchisée se développant sur l’île

Sept clans principaux, à l’organisation sociale complexe, se sont formés (selon la légende descendant des 7 premiers explorateurs de l’île). Ils ont réussi à vivre en paix pendant des siècles en se répartissant l’île comme un gros gâteau : chaque part de gâteau disposait d’une ressource essentielle aux autres clans (la seule plage de l’île, la zone la plus fertile, la plus boisée, la carrière d’obsidienne, la carrière de pierre pour sculpter les moaï…), ce qui maintenait une paix relative tant que tout allait bien.

Chaque clan contrôlait une ressource précieuse, et tous collaboraient pour survivre

Le cratère de Rano kau par exemple est la seule zone de l’île où l’on trouve la précieuse obsidienne, du verre volcanique tranchant comme un rasoir

L’ahu Akivi est exceptionnel car c’est le seul dont les moaï font face à la mer. Situé en plein centre de l’île il serait le symbole de l’union des 7 clans

Donc nous avons une noblesse oisive disposant de richesses (des stocks de nourriture), une caste d’artistes se développant et d’autres clans à impressionner… Il n’est pas très étonnant que de ce cocktail émerge une course à la construction de genre de zizis de pierre géant (il faut bien savoir quel chef à la plus grosse… influence sur ses sujets) !

Car là où les rites funéraires et le culte des ancêtres n’est resté qu’à un niveau somme toute raisonnable sur les autres îles Polynésiennes, l’île de Pâques est le seul endroit de cette culture où une course au prestige à fait se mettre des clans entier à l’érection de statues de plus de 10 tonnes !

Le clan contrôlant la carrière de pierre d’où sont tirés tous les moaï a pu se permettre d’ériger le plus grand ahu de l’île, où ses 15 immenses statues (aujourd’hui redressées) défient crânement les autres clans

Le problème c’est que pour construire les moaï il a fallu allouer énormément de ressources humaines (donc produire plus de nourriture) mais aussi matérielle. Et le déplacement des moaï à peut-être été aidé par la présence sur l’île d’énormes troncs de palmier géant (mais nous en parleront mieux dans l’article dédié à ces statues de pierre).

Ce moaï s’est effondré pour l’éternité lors de son transport depuis la carrière

Ainsi à son apogée l’île comptait entre 15 000 et 30 000 habitants, qui coupaient des arbres sans compter pour défricher de nouveaux champs (la terre arrivant très vite à épuisement ou étant emportée par l’érosion), se chauffer pendant les hivers, construire des bateaux de pêche et peut-être ériger des moaï. Mais je rappelle qu’un arbre sur la dure Haumaka met plusieurs décennies à pousser, je vous laisse comprendre le problème…

La folie des grandeurs

La chose la plus incompréhensible est de se demander comment, sur une île qui je le rappelle peut être embrassée du regard dans son intégralité du sommet de son plus grand volcan, les Matamuas ont pu couper absolument tous les arbres. Comment se fait-il qu’aucun des habitants de l’île ne se soit dit qu’après la disparation de tous ces arbres il n’y en aurait plus jamais et qu’à ce moment-là cela allait être dur de survivre ?

Du sommet de l’île, absolument rien n’échappe à notre regard

Les raisons de ce saccage sont à chercher auprès de 2 faiblesses que nous partageons tous en tant qu’humains : la tragédie des communs et l’amnésie écologique. Je ne vais pas rentrer dans les détails (et vous engage à aller en chercher un peu plus sur ces sujets passionnants sur internet) mais en gros :

• La tragédie des communs – c’est notre capacité innée à nous dire face à une forêt : « si je ne coupe pas ce bois moi-même, quelqu’un d’autre le fera et le résultat sera le même pour la forêt, mais en plus je serais mort de froid ! », donc tout le monde coupe le bois sans gérer la ressource intelligemment, par simple instinct de survie.

L’amnésie écologique – chaque nouvelle génération de Matamuas naissait sur une île de moins en moins boisée et de plus en plus déserte. C’était donc pour eux la seule référence, et chacun se disant en coupant quelques arbres : « je ne coupe qu’une toute petite partie et la forêt est encore préservée à 99%, ce n’est pas grave ». Ce qui fait qu’après 200 ans à ce régime, la forêt est réduite à quelques bosquets d’arbustes.

Nous découvrons aujourd’hui l’île comme cela, parée de belles statues et de fiers cocotiers

Pourtant les hommes du XIXème siècle l’on découverte ainsi, totalement désolée… Ce qui nous parait horrible !

C’est pourtant bien exactement le même endroit, et notre amnésie écologique nous fait oublier que les cocotiers ne poussent sur l’île que depuis une dizaine d’année

Toujours est-il qu’un jour, aux alentours des années 1500/1600 de notre ère, un Matamua a coupé le dernier arbre, et à partir de là le beau système s’est cassé la figure… Les arbres sont en effet les éléments qui créent la couche de sol fertile, arrêtent la pluie au-dessus de l’île, protègent les jeunes plants du soleil et empêchent l’érosion du sol en le fixant avec ses racines.

L’agriculture sur l’île est encore très inefficace, malgré les engrais chimiques modernes, et les fruits et légumes poussant sur l’île sont rachitiques (ici un champ d’ananas, qui feront la taille d’un pamplemousse à maturité )

L’agriculture a donc commencé à totalement péricliter sur l’île, tandis qu’il était devenu impossible de pêcher efficacement sans arbres pour construire de grandes pirogues. Au passage les eaux autour de l’île avaient été complètement surexploitées et les poissons avaient en partie disparus, tout comme les oiseaux endémiques qui ont été totalement exterminés… Les Matamuas se sont rendus compte à ce moment-là que la protection des moaï ne les avaient pas empêchés de détruire leur environnement et de se jeter dans les bras de la famine.

Cela ne fait qu’une dizaine d’année que les tortues vertes sont revenues nager dans les eaux de Rapa Nui

Quand aux grands thons qui passaient aux abords de l’île, leur seule trace reste quelques gravures érodées par le temps

La chute des moaï

A partir du moment où le système ne permettait plus aux gens de survivre, les chefs ont commencés à décider des raids contre les autres clans, qui se sont vites transformés en guerres ouvertes ! Lors de ces attaques les Matamuas se sont mis à faire tomber les moaï des autres clans face contre terre afin de briser leur puissance protectrice.

Mais l’ampleur de dégâts sur l’écosystème de l’île a fait que malgré une diminution de la population causée par ces guerres incessantes, la situation ne s’est pas du tout améliorée. Pourtant face à tout cela les Matamuas, certainement menés par des chefs aveuglés par une situation qui leur était favorable, n’ont pas abandonné la construction des moaï.

Là où la société dans son ensemble aurait dû se remettre en question et se dire qu’il fallait se tourner vers un mode de vie plus modeste, les Matamuas ont fait exactement l’inverse ! Des chefs engoncés dans leurs certitudes ont poussé une foule aveugle à construire toujours plus de moaï, des dizaines de moaï toujours plus gigantesques, afin de s’attirer la protection d’ancêtres restant sourds à leurs appels.

Au plus fort de la crise écologique survenue sur cette île, alors que le peuple mourrait de faim dans les villages, les Matamuas ont taillé près de 400 statues qui n’ont jamais quittées la carrière, soit près de la moitié des statues présentes sur l’île… La plus imposante ressemble à l’ultime geste de désespoir de tout un peuple : cette gigantesque monstruosité mesure 21 mètres et pèserait plus de 170 tonnes ! Toute la population de l’île réunie n’aurait certainement pas été en mesure de la déplacer !

Il est difficile de se représenter la taille de cette monstruosité sur une photo, mais en gros elle fait la taille de 2 autobus côte à côte…

Mais cet ultime geste de désespoir ne fera qu’aggraver encore et encore la situation, et arrivés au point de rupture, alors que l’île était à feu et à sang, les survivants ont abandonné leurs villages, ont déserté la carrière en laissant les statues à moitié sculptées et se sont réfugiés dans les cavernes en bord de mer, et se sont tournés vers la seule source de nourriture encore présente sur l’île, le tabou ultime : le cannibalisme.

Il est difficile de s’imaginer cette période terrible. Nous avons pu visiter certaines de ces grottes et il est glaçant de se représenter les derniers survivants de l’île terrés ainsi comme des animaux, allant attaquer les autres refuges pour se procurer un peu de nourriture et attendant eux-mêmes d’être attaqués pour être dévorés… A une certaine période de l’île la chair humaine aurait représentée la grande majorité de la nourriture consommée (ce dont on retrouve les traces dans les déchets des foyers), avant que la baisse de population soit telle qu’une certaine forme de stabilité puisse être retrouvée.

L’une des plus grande grottes habités par les Matamuas lors de la période de troubles

On peux y découvrir des peintures rupestres représentant les nouvelles croyances : le culte de l’homme-oiseau

Cette vie recluse d’animaux piégés, face aux flots déchainés du pacifique, est inimaginable

Les traces de cette époque se retrouvent dans l’évolution de l’art sur l’île : aux figures bien portantes aux gros ventres rebondis succèdent des sculptures de personnages d’une maigreur terrible et aux dents carnassières, preuve du drame absolu se jouant sur ce confetti à la dérive dans l’océan infini.

Une figurine en bois datant de l’ère des moaï, ou la noblesse semblait posséder un embonpoint conséquent

Tandis que ces idoles ont été sculptées au temps de la famine sur l’île, dans les derniers de morceaux de bois précieusement conservés

Après une chute de la population estimée entre 50% et 90%, la poignée de survivant (estimée aux alentours de 3000) ont pu commencer à retrouver une forme de stabilité vers 1700 car les ressources de l’île sont redevenues capables de supporter faiblement cette population réduite. Une nouvelle forme de société s’est donc développée, mais nous parlerons de cette période dans l’article suivant : le culte de l’homme oiseau.

C’est avec ce genre de massues en bois que les Matamuas se sont entretués pendant quelques décennies

Mais tous les moaï de l’île gisaient désormais brisés, témoignant pour l’éternité de l’inconséquence d’un peuple qui n’a pas su vivre en harmonie avec les richesses que lui offrait son environnement.

Ce moai seul porte le nom de Te Paro. Il fut le dernier et le plus haut moaï jamais érigé sur l’île (12 mètres de haut pour un poids de 80 tonnes), dernier espoir du clan contrôlant l’accès à la mer de l’île par la plage d’Anakena et devant pourvoir encore survivre grâce a une maigre pêche. Il fut aussi le dernier à être renversé entre la venue des premiers européens en 1722 et le passage de James Cook en 1774

Controverse

Je tiens à préciser ici par honnêteté intellectuelle que la thèse que je présente ici reste controversée. Si le déboisement total de l’île n’est aujourd’hui pas discuté, certains historiens estiment que les Matamuas ont changé d’eux même de système de société en voyant la crise arriver et ont abandonné le culte des moaï volontairement, et que les traces de guerres et de cannibalisme sont trop fragiles pour avoir lieu de preuves ; d’autres que la crise écologique a été causé par un phénomène El Niño très important et non par les habitants, enfin certains avancent que les arbres de l’île ont été tous arrachés d’un coup par un tsunami ou un séisme qui aurait aussi renversé toute les statues… mais de telle manière à ce qu’elles tombent toutes face contre terre !

La thèse que je présente se fonde en grande partie sur celle présentée par Jared Diamond dans son livre Effondrement (dont je conseille la lecture à absolument tout le monde), qui avance ses arguments en se basant sur des études archéologiques et anthropologique solides menées sur l’île. En recoupant ce qu’avance Jared Diamond avec d’autres lectures et ce que j’ai découvert sur place, je ne peux que souscrire à cette thèse. Et si la crise écologique à certainement été multifactorielle (sècheresse, pression écologique des rats, El Niño…), cela n’enlève en rien le fait que l’écosystème de cette île s’est effondré en quelques centaines d’années de présence humaine, alors que cela faisait plusieurs milliers d’année que tout s’y déroulait plutôt pas mal !

Les rats importés par les Polynésiens ont eu leur part dans le massacre des arbres, comme le montre ces noix de palmier géant fossiles portant des traces de dents

Dans cette controverse je vois le reflet d’un angélisme forcé prêté aux anciennes sociétés aborigènes. Je m’explique : pendant des centaines d’années l’homme blanc Européen a exploité, massacré et détruit toutes ces sociétés autour du globe en prétextant que c’était des primitifs inférieurs. L’ère moderne a heureusement renversée (en partie…) cette situation et nous redécouvrons avec étonnement le fonctionnement avancé de ces sociétés traditionnelles. Mais notre culpabilité collective à tendance aujourd’hui à nous faire voir avec des « lunettes roses » ces sociétés premières et leur rapport à la nature : nous leur prêtons une capacité innée à vivre en harmonie avec leur environnement et un savoir ancestral infini qui s’est perdu…

Les rares descendant de Matamuas vivant aujourd’hui sur l’île, les Rapanuis, essaient de se reforger une identité basée sur une harmonie avec la nature qui viendrait de leur ancêtres…

La réalité est beaucoup plus complexe que cela et si des sociétés sont parvenues à un bel équilibre avec leur milieu naturel (par simple tâtonnement et accumulation d’expérience), l’Ile de Pâques est la preuve que les sociétés premières aussi pouvaient complètement surexploiter leur habitat sans aucun respect pour la nature qui les fait vivre, car quel que soit l’histoire de la société humaine sur cette petite île il est indéniable que l’écosystème a été totalement anéanti.

L’extinction du moa en Nouvelle-Zélande est un exemple de taille de l’inconséquence écologique d’un peuple polynésien, et pourtant aujourd’hui encore certains scientifiques défendent que les Maoris n’ont joué qu’un rôle très minime dans sa disparition…

Il me semble important aujourd’hui de comprendre que ce n’est pas simplement l’homme blanc qui est stupide au point de massacrer la planète qui le porte, mais que cela fait partie intégrante de notre nature humaine. A mon sens ce n’est qu’en reconnaissant cela et en comprenant les mécanismes qui en sont à l’origine que nous pourrons avoir un espoir de nous sauver en tant qu’espèce.

Conclusion

Visiter l’île de Pâques aujourd’hui ce n’est pas simplement voir de drôles de statues en sirotant des cocktails sur une plage paradisiaque, c’est se retrouver face aux preuves les plus marquantes qui soient que l’homme est capable de détruire inconsciemment l’environnement qui lui permet de survivre, et que son aveuglement le poussera à une chute terrible bien avant que le moindre remise en question ne puisse l’effleurer.

Notre technologie moderne et la complexité apparente de nos sociétés ne nous permettent aujourd’hui pas de mieux gérer nos ressources, mais simplement d’abattre les arbres plus vite !

Par ces dizaines de statues gisant encore dans la carrière de ce petit confetti de terre, l’île de Pâques nous apprend que c’est au moment de la crise, alors que nous devrions le plus nous remettre en question,  que nous prenons les pires décisions et finissons de clouer notre cercueil.

Alors que nous vivons une crise écologique globale, espérons que nous ne suivrons pas l’exemple de Haumaka, que nous saurons nous réveiller avant qu’il ne soit trop tard et qu’il ne reste que quelques vestiges de nos erreurs gravées dans la pierre d’une petite île cosmique toute bleue, à la dérive dans un univers infini.

A bientôt pour de nouvelles merveilles !

2 réponses sur “Les 700 merveilles du monde – Le mystère de l’île de Pâques”

    1. Merci pour ton commentaire 😉 Et c’est gagné si cet article te donne envie de découvrir le monde et tous les enseignements que l’on peux en tirer

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